71% de non ? 100% de talent ! Le festival Handivisible, une réponse en musique
Alors que les Vaudois·es ont rejeté la modification de deux articles constitutionnels pour accorder les droits politiques aux personnes sous curatelle de portée générale, le festival Handivisible célèbre l’égalité de droits autrement.

Le festival s’est tenu le 6 décembre à la Maison de Quartier Sous-Gare. Né de la collaboration entre le groupe de punk-rock inclusif Les Rebelles de la Cave et les équipes de la Maison de Quartier, ce festival musical réunit sur scène des artistes romands neuro-atypiques et neuro-typiques dans un esprit de partage, d’égalité et de créativité.
Plus qu’un simple événement culturel, Handivisible affirme une volonté militante : celle de rendre visibles les talents trop souvent marginalisés, de promouvoir les droits des personnes en situation de handicap, et de lutter activement contre toute forme de validisme.

À cette occasion, nous avons rencontré Florian, maître de cérémonie du festival et militant engagé pour une société plus juste et inclusive. Son regard critique et passionné nous invite à questionner nos représentations du fonctionnement démocratique et à élargir notre conception du vivre-ensemble. Récemment, une votation dans le canton de Vaud a vu 71 % des votant·es refuser d’accorder le droit de vote aux personnes sous curatelle et nous avons souhaiter échanger avec lui à ce sujet.
Florian, 36 ans, nourrit de nombreuses passions telles que la spéléologie, la musique et la nature. Il se reconnaît aussi dans la mobilisation pour une société qui lutte contre toutes les formes de discrimination. Il explique qu’il connaît des personnes sous curatelle de portée générale qui ont en réalité une capacité de discernement parfaite pour voter et accomplir le devoir citoyen. Il souligne que c’est injuste et qu’il y a souvent un décalage entre la réalité et la perception du public. Selon lui la notion de normalité est souvent mal comprise lorsque 70 % des votants ne regardent pas plus loin que le bout de leur nez. Ils préfèrent simplifier en refusant le droit de vote à toutes les personnes sous curatelle alors que nous devrions avoir toutes et tous les mêmes droits. Il ajoute sur la question de la différence du traitement des droits que pourtant on a tous la même couleur de sang : rouge.
Florian s’engage pour que chacun·e ait les mêmes droits et trouve dans le festival Handivisible une belle illustration de la mixité et de l’inclusion. Il apprécie que cet événement se déroule hors du cadre institutionnel, en mêlant des musiciens neurotypiques et neuroatypiques sans distinction et sans mettre les gens dans des cases. Ainsi la cité et ses habitant·es à plus de diversité. Pour lui, c’est une manière de lutter contre une forme de « racisme » envers les personnes en situation de handicap.
Florian propose un parallèle saisissant : un Président ne peut exercer ses fonctions qu’entouré d’une multitude de soutiens – conseiller·es, spécialistes, secrétaires. Sans cette aide, il serait dans l’incapacité de remplir son rôle. « Isolé, lui aussi serait en situation de handicap », souligne-t-il. Pourtant, on accepte volontiers cette dépendance au sommet d’un État, tandis qu’on juge plus sévèrement une personne en situation de handicap qui a besoin d’assistance dans la vie quotidienne. Ce double standard met en évidence l’absurdité et l’injustice d’une société qui valorise certaines formes d’aide tout en stigmatisant d’autres.
Sur scène cette pancarte invite à réfléchir : Handicap visible ou invisible : on a tous un caillou dans la chaussure.
Plus d’infos sur cette votation sur l’Instagram de Forum Handicap Vaud
La veille de ce festival à la Maison de Quartier Sous-gare également, lors de la Journée romande du Cycle sur les fondements de l’Animation socioculturelle de Federanim, du 5 décembre, organisée en collaboration avec le Syndicat Sud, nous avons posé quelques questions sur le même sujet à Nina Bonny, 19 ans, stagiaire à la Maison de Quartier Sous-gare. Elle effectue son Expérience préalable de qualité pour la Haute école de travail social de Lausanne (HETSL)
- 71% des votant·es ont refusé cette initiative. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
« Honnêtement, c’est un résultat qui fait mal. Il montre à quel point notre société reste guidée par des préjugés envers les personnes sous curatelle. Je pense que ce résultat révèle surtout la peur et l’image biaisée que l’on a de ces personnes. L’idée que seules les personnes correspondant à la norme de l’autonomie totale puissent participer à la démocratie reste, malheureusement, très présente. Je reste convaincue que la démocratie devrait être inclusive et qu’elle ne devrait pas exclure, mais au contraire accompagner au mieux, afin que les voix de chacun·e comptent et soient valorisées. »
- Vous avez suivi la journée sur l’éducation populaire de Federanim vendredi 5 décembre. Quels liens pouvez-vous faire avec le droit, ou le non-droit, de vote des personnes sous curatelle ?
« La journée de formation avec Federanim portait sur la transformation sociale, avec un accent mis sur l’éducation populaire et l’émancipation. En refusant le droit de vote aux personnes sous curatelle, nous allons à l’encontre même des principes de l’éducation populaire, qui visent à permettre à touxtes de s’exprimer et de participer à la construction de la société. On décide à leur place, sans leur donner la possibilité de s’exprimer politiquement. L’éducation populaire nous apprend justement à remettre en question ces logiques d’exclusion et à comprendre que, derrière une norme, se cache souvent un mécanisme d’oppression sociale. Cette votation montre à quel point les normes validistes restent très ancrées dans notre société, et à quel point nous continuons de penser que seules les personnes jugées « assez capables » seraient légitimes pour participer à la démocratie. »
Un mouvement se dessine, porté par celles et ceux qui défendent une véritable égalité des droits : pour qu’un jour la démocratie vaudoise permette à toutes et tous de participer pleinement à la vie publique, y compris les personnes en situation de handicap. Cela passe par une reconnaissance claire : la curatelle est une mesure d’accompagnement et de protection, pas une raison de priver quelqu’un de ses droits civiques ou de sa liberté d’expression.
Écouter, sur le sujet, l’Echo des Pavanes de la RTS du 6 décembre 2025


